Comment transformer et accompagner les métiers pour réussir vos projets d’éco-conception ?
éco-conception mars 2024

Comment transformer et accompagner les métiers pour réussir vos projets d’éco-conception ?

Avec la participation de :

  • Olivia Martin – Associée au sein du cabinet de conseil Mews Partners en charge de l’offre Eco-conception
  • Benjamin Canaguier – Directeur Eco-Conception de Schneider Electric
  • Arnaud Hermann, Co-fondateur et président d’EcoLearn

Pour atteindre leurs objectifs environnementaux ambitieux, les industriels doivent intégrer l’enjeu écologique dès la conception. Cette démarche structurante implique nécessairement des transformations pour de nombreux métiers, de la R&D jusqu’aux achats ou au marketing en aval.

Mais quelles sont les bonnes pratiques pour accompagner ce changement ?

Lors de ce webinaire, Olivia Martin (Mews Partners), Benjamin Canaguier (Schneider Electric) et Arnaud Hermann (EcoLearn) vous partage les clés d’un accompagnement au changement réussi pour vos projets d’éco-conception en explorant :

  • Les spécificités de l’éco-conception et ses impacts concrets sur les métiers de l’entreprise,
  • La façon dont ces métiers peuvent s’adapter et les nouvelles compétences nécessaires pour répondre à ces enjeux,
  • Les bonnes pratiques et écueils à éviter pour accompagner ce déploiement
  • Avec un zoom sur la formation et le panorama des solutions possibles

Tout cela est appuyé par les résultats de notre enquête 2024 sur l’état de l’art de l’éco-conception dans l’industrie française.

Regardez le replay et soyez prêts à transformer vos métiers pour faire de l’éco-conception un des piliers de votre stratégie d’entreprise !

Où et quand

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  • Est-ce que cette démarche de Schneider Electric envers ses fournisseurs, est également mise en place envers ses clients ?

Schneider : Oui bien sûr, et nous avons même commencé avant parce que travailler sur l’efficacité énergétique est au cœur de notre proposition de valeur. Nous accompagnons nos clients dans leur décarbonation, cela fait d’ailleurs aussi partie de notre cœur de métier.

D’une part, toutes les solutions qu’on déploie en termes d’équipements, la façon dont on les connecte entre eux, mais aussi lorsqu’on travaille sur l’efficacité énergétique de bâtiments, d’usines, de data centers contribuent à la décarbonation des activités de nos clients. Cela nous positionne comme un acteur fort pour décarboner notamment le scope 1 et 2 de nos clients.

D’autre part, nous accompagnons aussi nos clients sur la réduction de leur scope 3, notamment sur les enjeux de circularité en essayant par exemple de travailler sur de l’efficacité matière. Sur ces sujets-là, certains de nos clients, selon les segments et les réseaux de distribution, sont de plus en plus demandeurs.

  • Est-ce que l’Eco-Conception ne sera pas surtout pilotée (et « réduite ») par ce qu’on pourrait appeler la « Low-Conception » ? Comme on peut le voir dans le domaine de la Tech avec la Low-Tech, qui permet de pouvoir augmenter la durée de vie du matériel et de répondre à l’épuisement des ressources abiotiques ?

Schneider : Oui en grande partie. La notion de frugalité dans le design est importante dans l’éco-conception pour réduire les matières, pour trouver des matériaux ou des architectures qui soient moins consommatrices de matière. En revanche, ce n’est pas forcément la seule direction possible. Par exemple des changements de business model peuvent aboutir à une certaine efficacité matière en bout de chaîne sans qu’on parle alors de « low conception ».

Pour pouvoir développer de nouveaux business circulaires, on doit s’appuyer sur des nouveaux systèmes d’information, sur des technologies de la quatrième révolution industrielle : par définition il ne s’agit pas low tech, mais qui pour autant permettent d’apporter des économies d’échelle assez conséquentes. Par exemple, la maintenance préventive permet d’étendre la durée de vie de nos produits, et donc d’économiser de la matière première et des pièces de rechange. Pour permettre cela, on peut s’appuyer sur des produits connectés, sur des infrastructures de réseau à l’échelle des bâtiments ou des flots de bâtiments et sur des outils logiciels de pilotage pour pouvoir travailler sur l’optimisation.

Il y a donc effectivement un volet low-tech / low-conception, qui ramène un peu de bon sens avec une mentalité « just enough », et autre volet qui s’appuie sur des technologies avancées pour pouvoir arriver à des économies d’échelle. Les deux sont nécessaires pour déployer une politique d’éco-conception à la hauteur des enjeux.

  • Comment arrive-t-on à embarquer les fournisseurs quand finalement on pèse assez peu dans le chiffre d’affaires de son fournisseur ? Quelle est la marge de manœuvre ?

Schneider : C’est un véritable enjeu mais pas un point bloquant, et on peut d’ailleurs l’illustrer avec nos fournisseurs d’acier. Nous pesons pour eux relativement moins que leurs clients de l’automobile ou du bâtiment. On ne peut donc évidemment pas avoir la même stratégie d’achat. Tout l’intérêt est alors de pouvoir s’appuyer sur la collaboration. Nous avons la chance d’être considérés comme leader sur le développement durable dans l’industrie. Pour certains de nos fournisseurs, il y a donc un enjeu d’image à travailler avec nous et on peut activer cette carte.

Mais c’est surtout la qualité de notre collaboration avec nos fournisseurs qui nous porte car même si on pèse peu en volumes, on apporte énormément de solutions. Pour l’acier, on propose des solutions pour aider les fabricants d’acier à se décarboner, à passer sur de l’électrique pour les hauts fourneaux ou à utiliser d’autres types d’intrants. Donc on est aussi acteur de l’électrification, de la décarbonation, et donc on peut aider ces industriels à s’améliorer. C’est tout l’enjeu d’un programme comme le TZCP (The Zero Carbon Project).

Il existe également énormément d’instances internationales, d’associations, où on peut travailler sur le développement du soft leadership, et où on contribue à élaborer les feuilles de route de décarbonation des différentes industries. Participer proactivement à ce genre d’initiatives fait partie du travail nécessaire. Concernant l’acier toujours : nous sommes le premier industriel consommateur d’acier en dehors du secteur automobile à avoir rejoint l’association Responsible Steel pour pouvoir justement définir la feuille de route de décarbonation de l’acier avec nos fournisseurs et les potentiels partenaires que sont les industriels de l’automobile.

Il y a donc plusieurs leviers possibles pour pouvoir faire bouger les lignes, ou même contribuer à les faire bouger, en dehors du simple poids des volumes commandés.

  • Est-ce que vous avez mis en place des outils ou des process spécifiques pour embarquer vos fournisseurs (côté Schneider Electric) ?

Schneider : On a une plateforme dédiée qui s’appelle ZeigoTM, qui nous permet d’accompagner nos fournisseurs à calculer leur bilan carbone scopes 1 et 2. On a aussi des outils de benchmark et des outils de collecte de Product Carbon Footprint. Donc oui, on a mis en place des outils d’échange d’informations et de données. On aussi développé un volet formation afin de former les collaborateurs de nos fournisseurs.

  • Les jeunes recrues et les candidats ont des attentes spécifiques sur ces sujets qui relèvent à leurs yeux de la Marque Employeur, et d’une mission ou d’un devoir d’exemplarité, comment y répondez-vous ?

Il arrive en effet des défections ou des démissions précoces chez certain(e)s jeunes embauché(e)s qui « ne s’y retrouvent pas » ou bien ont du mal à voir comment avoir une contribution réelle sur ces sujets.

Au niveau de la direction générale, la responsabilité est à la fois d’encourager les initiatives et permettre à qui le souhaite de proposer des actions, voire des projets, et de mettre en avant toutes les avancées concrètes. Pour autant, il y a des échecs, et on peut avoir le sentiment de ne jamais progresser assez vite. Cette frustration est normale, mais d’expérience, se voir confier une responsabilité avec des moyens d’action cohérents est le meilleur facteur de motivation.

  • Quels sont pour vous les moyens les plus efficaces pour embarquer les équipes et donner du sens ?

Au niveau général, donner les clés de lecture globale avec de la sensibilisation (fresque du climat par exemple) est un bon préalable pour préparer les esprits. Mais cela reste assez loin des questions quotidiennes et pratiques des collaborateurs.

Allez faire des mesures de consommation d’eau, d’énergie, de volumes de déchets en usine, ou aller voir le devenir des produits en fin de vie, est un moyen très puissant pour provoquer une prise de conscience, et inciter à retravailler les produits pour supprimer les effets néfastes que l’on a pu réellement toucher du doigt.

  • Comment concilier la nécessité de développer la collaboration externe avec des parties prenantes comme les concurrents, et l’enjeu de confidentialité particulièrement fort en phase de conception ?

Pour commencer, il est difficile d’admettre que pour des sujets qui nous engagent tous tels que réduire notre impact sur l’environnement, on se refuse à partager les bonnes pratiques. Mais cela ne revient pas à partager des solutions ou à être candide dans un climat de compétition !

Même sans les impératifs de réduction de notre empreinte environnementale, les industriels ont déjà d’eux-mêmes défini des façons de travailler avec leurs fournisseurs (qu’ils partagent parfois avec leurs concurrents), et même de « coopétition » entre eux sur des sujets structurants pour une filière entière.

Pour les situations réellement sensibles, les outils existent : protection de la propriété intellectuelle, NDA, MOU… sont déjà des choses courantes.

  • Y a-t-il des bonnes pratiques pour favoriser la coopération avec des filiales ou des BUs dont les dirigeants ne sont pas autant sensibilisés ou même sensibles au sujet car ils ont par exemple des objectifs économiques plus « sévères) ?

En principe chacun doit pouvoir trouver du sens et se reconnaître dans l’objectif de réduire les impacts environnementaux ; si cette ambition rentre en contradiction avec un objectif économique, la solution est de construire collectivement les alternatives qui vont s’offrir, et sur quelles bases il va falloir trancher. Il est par exemple possible de traiter différemment (hors budget projet, ligne séparée de budget ou de CAPEX) certaines dépenses qui poseraient problème si elles étaient affectées à un seul projet. Quand ce genre de problème apparaît, c’est à la direction générale de restaurer la cohérence entre toutes les injonctions auxquels les directions de BU, d’usine ou métier sont confrontées.

Notons aussi que bien souvent, faire plus sobre rime aussi avec faire moins cher, la contradiction n’est alors qu’apparente, il faut donc a minima étudier le sujet avec suffisamment de profondeur pour cerner en quoi consiste réellement le conflit.

Enfin, et c’est un levier fort d’incitation : aligner la rémunération variable des dirigeants sur des objectifs environnementaux permet généralement d’aider tout le monde à tirer dans le même sens.

  • On a assez peu parlé d’outils : certains métiers risquent-ils aussi de subir des transformations liées aux déploiements de nouveaux outils spécifiques à des problématiques d’éco-conception ?

L’éco-conception nécessite a priori peu d’outils spécifiques pour conduire les activités de développement à proprement parler.

On constate plutôt une intégration de fonctionnalités ou d’attributs dans le PLM ou les ERP qui sont des suites d’outils existants. Et c’est tant mieux car le sujet outils ne doit pas, lui non plus, être l’affaire d’experts environnementaux si on veut que les pratiques infusent dans l’entreprise.

En revanche, le besoin de modéliser, de piloter et d’évaluer différents éco-indicateurs (qu’il faut au préalable définir) est clé : comme disait W. Edward Deming  « Ce qui ne se mesure pas, ne s’améliore pas. »  Cela entraîne beaucoup de questions autour de l’ACV, complète ou simplifiée, de son bon usage selon la phase projet, et de l’accès à des données exploitables. 

Cela augmente surtout les demandes d’information auprès des fournisseurs pour reconstituer correctement l’inventaire du cycle de vie (ICV). Bien sûr, savoir réaliser et surtout critiquer les résultats d’une ACV exhaustive ou simplifiée est une compétence précieuse, et il y a plusieurs options pour diffuser cette compétence (par exemple avoir quelques experts ACV et des collaborateurs initiés à des outils d’ACV simplifiée).

La question de construire et donc de capitaliser des bases de données spécifiques peut aussi induire des actions spécifiques, mais on ne peut pas parler de transformation.

Globalement une chose est sûre : il est d’autant plus important de bien exécuter les processus de développement (qui sont déjà systémiques, multi-étapes et multi-critères), que le nombre d’indicateurs et de contraintes va en se complexifiant. 

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