L’industrie spatiale a connu des changements profonds ces dernières années, notamment grâce à l’émergence du New Space, qui propose une approche en rupture et ouvre la voie à des technologies innovantes. Ce nouvel écosystème se consolide progressivement, et c’est dans ce contexte que s’est tenue la deuxième édition des « Assises du New Space » à Paris les 5 et 6 juillet. Ces deux jours de conférences ont offert une excellente opportunité de rassembler les acteurs historiques de l’écosystème spatial, les institutions impliquées dans ces évolutions et bien sûr, les nouveaux entrants qui façonnent et construisent l’espace de demain au quotidien. Mews Partners a été ravi de participer à cette deuxième édition et de fournir un résumé de nos principales conclusions.
Les sujets des différentes présentations et tables rondes ont mis en lumière les défis actuels auxquels sont confrontés les différents acteurs, en particulier en ce qui concerne le nouvel usage des données spatiales, les difficultés de financement auxquelles font face les jeunes entreprises en phase de croissance et le rôle important joué par les institutions publiques dans l’écosystème.
Le New Space en bref
Le New Space a d’abord émergé aux États-Unis avec des start-ups innovantes dirigées par des millionnaires du numérique pour lesquels l’accès à l’espace à moindre coût est essentiel. Les acteurs du New Space travaillent dur pour développer des solutions d’accès à l’espace à faible coût pour tous. Heureusement, grâce à l’héritage spatial solide de l’Europe, des entreprises européennes ont également émergé et ont donc participé à ce mouvement visant à démocratiser l’accès à l’espace. Le secteur européen du New Space a gagné en momentum au cours de la dernière décennie, comme en témoigne la collecte de fonds de plus en plus importante dans le secteur en Europe.
Les données spatiales, un atout pour l’humanité
Bien que l’accès à l’espace ait toujours été un rêve de l’humanité, les fusées et les satellites ne sont pas lancés dans l’espace simplement pour la beauté technique de l’opération. En particulier pour de nombreuses applications terrestres, les données générées par l’observation de la Terre sont extrêmement précieuses, et le nombre de conférences et de tables rondes abordant ces applications lors des Assises est un indicateur très significatif de leur importance pour le secteur : deux conférences lors de la session d’ouverture sur les « nouveaux utilisateurs » et les « nouveaux fournisseurs de services » et plusieurs sessions dédiées dans des salles plus petites (« Assurance », « Finance et macroéconomie », « Maritime », « Aménagement urbain », « Voiture et conduite autonome », etc.). En effet, ces applications stimulent particulièrement l’industrie du New Space, car elle cherche à obtenir des images plus fréquentes et de plus haute définition de différentes zones d’intérêt. Les utilisations potentielles de ces données sont énormes, et de nouveaux types d’utilisateurs sont régulièrement intégrés. L’utilisation de l’observation de la Terre peut être très diversifiée, du calcul d’indices financiers basés sur la mesure de l’activité économique mondiale à l’optimisation de l’aménagement du territoire. Grâce à ces données satellitaires, certains secteurs passent même de la « prévision » à la « now-casting », au sens où l’on ne parle plus de prévisions futures, mais de prévisions en temps réel. Cela signifie que nous pouvons surveiller l’utilisation des ressources naturelles ou les niveaux de production à l’échelle mondiale en temps réel. Dans une économie où tout va de plus en plus vite et où il faut être en avance sur le marché pour investir et gérer ses activités de manière efficace, ces nouvelles capacités offertes par le secteur spatial sont extrêmement précieuses. Cette tendance a été soulignée par la participation à l’événement d’acteurs qui ne sont pas des spécialistes de l’espace, mais pour lesquels l’utilisation de ces données représente une avancée majeure.
Les données spatiales sont également une excellente option pour surveiller ce qui se passe sur Terre. Qu’il s’agisse de surveiller l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes, d’analyser les effets du changement climatique sur le développement urbain ou de mesurer les changements dans les infrastructures à grande échelle comme les ports et la planification de la maintenance, les données spatiales permettent de fournir de nombreux services aujourd’hui. Ce nombre croissant de services place de nouvelles exigences sur les fournisseurs de données et les opérateurs de satellites : résolution de plus en plus élevée, données plus fréquentes sur une zone donnée et, bien sûr, données moins chères. Ces nouveaux défis façonnent la vision du New Space : démocratiser l’accès à l’espace. Le mouvement du New Space est désormais principalement porté par ces fournisseurs de services « aval », et c’est dans ce secteur spécifique que la plupart des nouvelles entreprises sont créées. Bien que la proposition de valeur de chaque entreprise puisse être très différente, elles ont toutes un objectif commun : rendre les informations basées sur l’espace compréhensibles et utiles pour les applications terrestres. C’est là que réside le véritable défi pour le secteur « aval » : répondre aux besoins des utilisateurs finaux. Cela a été clairement exposé lors de plusieurs conférences par divers acteurs dont la proposition de valeur repose sur l’utilisation de données spatiales pour fournir des services concrets.
Le rôle des institutions dans la structuration du New Space
Le deuxième aspect majeur souligné lors des Assises du New Space a été le rôle crucial des institutions publiques dans le développement du secteur. Que ce soit BPI France, le CNES, la DGA, l’ESA ou l’EUSPA, les institutions publiques soutiennent activement l’industrie et peuvent, dans certains cas, apporter un soutien financier significatif. En fait, presque tous ces acteurs étaient présents et ont présenté leurs différents programmes sur la scène principale. Par exemple, l’un des principaux moyens de rassembler les différents acteurs de cet écosystème complexe en expansion rapide est le programme Connect by CNES. Comme mentionné précédemment, de nouvelles applications émergent avec de nouveaux utilisateurs, souvent peu familiers avec l’écosystème spatial. Connect by CNES vise à aider à rapprocher ces mondes différents et à structurer les échanges entre eux.
D’un point de vue financier, les institutions publiques jouent également un rôle important grâce à deux mécanismes principaux : le soutien public (subventions et avances remboursables) et les contrats publics. D’une part, le soutien public est utilisé pour soutenir le lancement ainsi que le développement et l’industrialisation de technologies de pointe dans le cadre de programmes de R&D. D’autre part, les contrats publics, qui comprennent l’achat de services, des démonstrations de service ou même des contrats souverains, fournissent un client de référence pour aider les entreprises à consolider leurs modèles commerciaux. Ces deux mécanismes se complètent parfaitement et permettent de soutenir les entreprises à différentes étapes de leur développement. Par exemple, l’investissement public français dans l’espace est ambitieux : 1,5 milliard d’euros sur 5 ans dans le cadre du programme spatial France 2030, dont les deux tiers iront aux acteurs émergents. Cela souligne une fois de plus la dimension stratégique de l’espace en France et en Europe en général, que ce soit pour le développement de technologies de pointe ou pour l’accès stratégique à l’espace. Si une preuve supplémentaire était nécessaire, le discours de Thomas Courbe de la Direction Générale des Entreprises lors de la session d’ouverture sur la scène principale aurait dû convaincre tout le monde de l’importance du secteur spatial pour la France.
Au niveau européen, l’ESA est également impliquée dans le développement du New Space, avec quatre thèmes principaux : l’espace pour un avenir vert, la protection des actifs spatiaux, une réponse aux crises rapide et résiliente et les vols spatiaux habités indépendants. Ces thèmes sont au cœur des préoccupations actuelles de l’Europe, et pas seulement en ce qui concerne l’espace.
De nombreuses options de soutien sont disponibles, mais elles sont souvent complexes à comprendre pour les jeunes entreprises dont la priorité est de développer le produit ou le service au cœur de leur proposition de valeur et de ne pas être surchargées de procédures administratives. Cette structuration complexe des options de soutien et de financement a été qualifiée de « jungle du financement » lors de l’une des conférences, ce qui est vraiment une bonne façon de la décrire.
L’intersection de l’IA et des missions spatiales
L’une des conférences portait sur « L’IA au sol et embarquée », ce qui a mis en lumière le rôle croissant de l’intelligence artificielle (IA) dans l’industrie spatiale. Les discussions ont révélé une évolution significative de l’IA, en particulier dans ses applications pour les clients du New Space. Les intervenants ont souligné la nécessité de passer à une phase accélérée de déploiement de l’IA dans l’espace.
Au cœur de cette évolution se trouvaient trois catégories d’applications de l’IA identifiées : les applications pour les clients, les applications d’entreprise et les applications d’ingénierie pour l’Industrie 4.0. Cependant, l’accent principal était mis sur les applications pour les clients, avec un objectif clair : réduire le temps nécessaire à la mise en œuvre de solutions basées sur l’IA dans l’espace. Pour y parvenir, il est essentiel d’améliorer la maturité des fonctions critiques et de favoriser les synergies en collaborant avec des laboratoires de recherche et des start-ups.
Un défi technique majeur abordé était l’ « embeddability », notamment la gestion de la taille des systèmes embarqués et leur autonomie énergétique. De plus, la disponibilité de la connectivité est un facteur crucial à prendre en compte, nécessitant un prétraitement des données pour optimiser la transmission des informations essentielles.
Une start-up innovante, en partenariat avec de grands acteurs de l’industrie spatiale, a présenté des applications concrètes de l’IA dans le New Space. Ces applications comprenaient la surveillance en temps réel de l’espace pour l’identification de la trajectoire et de la position, la prévention des collisions entre satellites et le soutien aux systèmes de lancement. Ce qui distingue cette start-up, c’est sa plateforme qui privilégie l’apprentissage par renforcement basé sur des données spécifiques plutôt que sur des ensembles de données existants.
Dans l’ensemble, la conférence sur « L’IA embarquée au sol » lors de la conférence New Space a non seulement mis en lumière la montée de l’IA dans le secteur spatial, mais a également souligné les opportunités passionnantes et les défis qui accompagnent cette transformation. Ces défis comprennent l’accélération des applications spatiales, l’amélioration de l’autonomie des systèmes et la résolution des problèmes liés à la connectivité et à l’embeddability. Cette conférence reflétait l’engagement continu de l’industrie spatiale à exploiter l’IA pour façonner l’avenir du New Space.
L’émergence du secteur du New Space a profondément transformé l’industrie spatiale, favorisant des approches perturbatrices et des technologies innovantes. La Conférence du New Space à Paris a réuni les acteurs historiques, les nouveaux venus et les institutions, mettant en lumière les défis actuels. L’accès abordable à l’espace et l’utilisation croissante des données spatiales, en particulier pour les applications terrestres, sont au cœur de ce mouvement. Les fournisseurs de services en aval jouent un rôle essentiel en traduisant les données spatiales en informations exploitables. Les institutions publiques sont essentielles pour soutenir financièrement et structurellement les nouveaux entrants, renforçant ainsi ce secteur en développement.
Conscients des défis et des opportunités du New Space pour les différents acteurs de la chaîne de valeur, Mews Partners a développé une expertise spécifique et offre son soutien à ses clients avec une offre orientée vers l’aval et le New Space. N’hésitez pas à nous contacter !