Freins à l’innovation : les démystifier grâce à l’Agile ?
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Freins à l’innovation : les démystifier grâce à l’Agile ?

Agilité et innovation, du mythe à la réalité (2/3)

 

Cette série d’articles a pour but d’apporter un éclairage sur le lien à fois évident et complexe qui unit l’Agilité et l’innovation, et de proposer des pistes de structuration. L’innovation est tout aussi attirante qu’intimidante. D’où viennent les craintes et réticences à son égard ? Comment les contourner « Agilement » pour l’intégrer dans ses projets ?

Freins-a-l-innovation_scribing_FRLorsque l’on parle “innovation”, on voit immédiatement les choses en grand : une révolution qui va casser les codes et renverser l’ordre établi. Mais ces croyances, qui brident autant les équipes que les managers, sont-elles fondées ? Et si oui, comment l’entreprise peut-elle les démystifier ?

Dans un précédent article, nous nous interrogions sur la compatibilité des méthodes Agiles avec la mise en place d’une démarche continue d’innovation. Nous étions arrivés à la conclusion que le manque de littérature à ce sujet complexifiait la tâche des organisations qui souhaitent se lancer dans l’aventure. En outre, si seul SAFe© parmi les méthodes les plus répandues propose un cadre propice à l’innovation – facilement transposable quelle que soit la méthodologie Agile utilisée -, la mise en œuvre reste souvent délicate. Le très connu « Be Agile rather than do Agile » prend là tout son sens.

Cela nous amène à la question de l’état d’esprit Agile ainsi que de l’état d’esprit innovant. A l’aube d’une démarche continue d’innovation, et avant toute réflexion sur sa structuration, l’Agiliste devra établir un diagnostic : les équipes et managers sont-ils prêts à entreprendre une telle démarche ? Chez Mews Partners, nous sommes convaincus que le changement culturel a plus de chances de succès s’il est conduit au travers d’une application incrémentale, à l’écoute des enjeux et réticences.

Aussi, ce deuxième article tentera de démystifier les quatre principales croyances qui entravent le déploiement d’une démarche continue d’innovation. L’enjeu est ici d’évaluer la maturité des collaborateurs, opérationnels et managers, face à une telle approche, afin d’identifier les leviers d’acculturation à mettre en place.

 

Mythe 1 : « L’innovation est forcément une rupture »

Nous l’avons vu dans l’article précédent, bien que l’innovation revête plusieurs formes, celle qui vient spontanément à l’esprit est l’innovation disruptive, c’est-à-dire celle qui génère un nouvel usage, crée une rupture dans un marché existant au point de le rendre obsolète (voire crée un nouveau marché). Or, ce type d’innovation est aussi rare que complexe et risqué, alors que d’autres formes existent et sont bien plus fréquentes et plus simples à mettre en œuvre. On pense notamment à l’innovation incrémentale (ou continue), qui vise à améliorer un produit ou service existant pour le rendre meilleur (en termes de performance ou d’usage) ou moins cher. Ou encore à l’innovation adjacente, dont l’objectif est de transposer un produit ou une technologie dans un nouveau marché. Ces formes d’innovation, plus accessibles, n’en sont pas moins source de valeur.

Freins-a-l-innovation_citation 1_FRIci, l’entreprise (ou l’équipe projet) a un devoir d’information et de clarification, afin de lever les craintes et idées préconçues. Les équipes et leurs managers doivent être sensibilisés à la pluralité de l’innovation et alignés sur le cap choisi par la Direction. Il s’agit de définir et communiquer une stratégie d’innovation, qui viendra cadrer l’ensemble de la démarche : Quelle ambition nous fixons-nous ? Quel type d’innovation est le plus en phase avec la stratégie globale de l’entreprise ? Cherchons-nous à relever des défis techniques et commerciaux, qui vont impacter l’offre de produits et services ? Ou sommes-nous dans une optique d’amélioration de la performance via une révision du fonctionnement interne ? Quel niveau de risque l’entreprise est-elle prête à prendre ?

Autant de questions qui permettront aux équipes et managers de mieux appréhender ce que recouvre le mot « innovation » dans le cadre de leur entreprise ou de leur projet. Il faut définir un cap, une vision claire et partagée de tous, qui fournira un cadre propice à la créativité et légitimera la démarche.

 

Mythe 2 : « S’amuser, ce n’est pas travailler »

Freins-a-l-innovation_citation 2_FRLes méthodes Agiles amènent à repenser la manière dont sont dirigées les équipes, vers un changement radical d’état d’esprit. Nombre d’organisations se tournent ainsi vers un management qui se veut plus humain et participatif, guidées par les nouvelles méthodes et métiers qui en émergent (Management 3.0, Communication Non-Violente, Intelligence Collective…). Les entreprises tentent de replacer l’humain au centre de leur structuration, en recherchant le bien-être au travail, gage de motivation et productivité.

Lorsque l’on conjugue « innovation » avec « nouvelles méthodes de management », on obtient souvent des séances de travail ludiques, censées décupler l’imaginaire et la capacité à réfléchir différemment. Certains, à l’aise avec ces approches, s’avèreront moteurs durant les phases de créativité. D’autres en revanche se montreront réticents, jugeant que « s’amuser, ça n’est pas travailler » et qu’ils « n’ont pas de temps à perdre ». Le raccourci est alors rapide, entachant la crédibilité de la démarche : l’innovation apparaît comme un jeu plutôt qu’un réel travail. Mais si certains sont hésitants au démarrage, ils seront essentiels lors de phases plus pragmatiques, notamment lorsqu’il s’agira de transformer l’essai et concrétiser les idées. Le véritable enjeu est donc de rassembler des profils complémentaires, qui par leur multidisciplinarité et variété de personnalités, contribueront à chaque étape du processus d’innovation à l’obtention d’un résultat robuste.

Par ailleurs, nous avons tendance à confondre innovation et créativité. En se focalisant sur la phase de « divergence », d’idéation, de créativité, c’est l’ensemble de l’approche qui est décrédibilisée par le manque de concrétisation. En réalité, cette peur de la feuille blanche est fictive : tout le monde a des idées. Toute la difficulté réside dans la capture de celles-ci et leur transformation.

 

Mythe 3 : « L’innovation se concrétise rarement »

La manière la plus connue de matérialiser une démarche continue d’innovation dans un framework Agile réside dans la mise en place de Sprints d’Innovation & Planning (« Sprint IP »). Prônées par la méthodologie SAFe©, ces itérations particulières sont une fenêtre propice à la prise de recul, à l’amélioration continue, à l’innovation et à la préparation des cycles à venir. Il est tout à fait possible d’appliquer ce principe d’itération dédiée quelle que soit la taille de l’équipe ou la méthode Agile utilisée. La durée recommandée pour ce sprint est la durée standard d’itération (2 semaines dans le cadre de SAFe©). Selon le contexte, cela peut sembler court au regard de l’ensemble des activités à réaliser. Quel peut être le résultat escompté en termes d’innovation dans ce laps de temps ? Que deviendront ces activités à l’issue du Sprint IP ? Autant de questions qui peuvent faire craindre aux collaborateurs que toute la démarche sera sans suite. Resterait alors l’impression d’une perte de temps et d’énergie au service d’une lubie isolée, ce qui génèrerait frustration et démotivation.

Définir une stratégie d’innovation légitimise la démarche (cf. Mythe 1). Il est tout aussi important de la crédibiliser. Rien ne sert de faire de l’Innovation & Planning si l’entreprise n’est pas structurée pour en tirer les bénéfices. L’entreprise (ou l’équipe projet) doit sécuriser une passerelle entre les Sprints IP et les backlogs des équipes de sorte que les aboutissements du premier puissent être assimilés dans la réalité du second. Ce ne sont plus deux cycles parallèles mais bien deux cycles intégrés qui contribuent ensemble aux enjeux de développement.

 

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Le Sprint IP, une passerelle entre le backlog innovation et le backlog produit

Structurer la phase d’innovation à la façon des cycles de développement Agiles selon le modèle « Prototyper – Tester – Collecter du feedback » permettra d’en expérimenter les résultats, quel que soit leur maturité, et de collecter le ressenti des clients potentiels. Car l’innovation ne compte que lorsqu’elle a testé son marché ; il est donc primordial d’y confronter ces nouvelles idées le plus vite possible (ce que prônent les méthodes d’innovation telle que le Lean Startup via la notion de Minimum Viable Product – MVP). Cela permettra non seulement de vérifier l’adéquation produit/besoin, mais également de maintenir la mobilisation et la motivation des équipes sur le sujet. De plus, ce cycle incite les équipes à consacrer du temps aux clients et aux utilisateurs finaux, pour mieux appréhender leurs besoins et leurs contraintes : en leur mettant entre les mains des embryons d’idées, elles peuvent observer leur comportement et leurs réactions, écouter leurs remarques, se mettre à leur place. En bref, faire preuve d’empathie, une notion clé des méthodes telles que le Design Thinking, et si importante dans la plupart des entreprises, où les équipes sont souvent très éloignées de leurs utilisateurs.

Freins-a-l-innovation_citation 3_FRL’autre élément clé est l’apprentissage. Eric Ries, qui a théorisé la méthode Lean Startup, place cette notion au-dessus du résultat lui-même : quand bien même l’innovation n’atteindrait pas sa cible, l’équipe en tire des bénéfices en termes d’apprentissage. Elle s’imprègne davantage des besoins et ressentis clients (et/ou utilisateurs), appréhende mieux sa proposition de valeur, développe (ou entretient) une ouverture d’esprit, une capacité à réfléchir « out of the box » qui permettra un jour de transformer l’essai. Elle s’octroie un droit à l’échec, qui permet non seulement d’apprendre, mais aussi d’achopper pour mieux pivoter. L’enjeu, là encore, et de mettre en place un cadre où ce droit est non seulement accepté mais valorisé, ce qui demande un changement culturel significatif. Il s’agit de limiter la portée d’un potentiel échec en raccourcissant autant que possible les boucles d’expérimentation : peu de ressources investies, donc peu d’impact si l’expérience ne va pas plus loin. On parle de Fail Fast (« échouer vite ») : minimiser l’investissement en maximisant les enseignements tirés.

 

Mythe 4 : « Il est difficile de mettre en place une démarche d’innovation »

Structurer une démarche continue d’innovation s’apparente dans l’imaginaire commun à l’ascension du Mont Blanc. Une épreuve longue et difficile, qui laissera des traces, mais nous permettra peut-être d’atteindre le sommet et la satisfaction associée. De surcroît, la littérature étant peu fournie, les organisations ne savent pas comment préparer leur sac de randonnée pour une telle aventure, et n’ont aucune carte à leur disposition pour connaître le chemin à emprunter. Bref, c’est souvent un départ à l’aveugle et sans piolet.
Chez Mews Partners, nous recommandons d’aborder l’innovation de la même manière que le projet : en Agile ! En expérimentant « petit » et « simple » (« Start small, think big »), il est possible de démontrer la valeur de la démarche et il est donc plus facile de l’ancrer dans les habitudes des collaborateurs. Cela constitue un terreau favorable à un déploiement à plus grande échelle.
Ainsi, avant de se lancer dans l’ascension du Mont Blanc, pourquoi ne pas s’exercer sur quelques pics emblématiques des Pyrénées ?

Freins-a-l-innovation_citation-4-1-768x592Plutôt que de viser un changement « Big Bang » il s’agit de favoriser une approche incrémentale avec une première expérimentation par une équipe pionnière. Elle sera sélectionnée sur la base de son ouverture d’esprit, afin de se concentrer sur la structuration et mise en pratique avant d’aborder le changement culturel.
Ce cas pilote nous permet de démystifier sur le terrain les trois croyances précédemment décrites, en mettant en application des solutions simples et rapides, et de démontrer le réalisme de la démarche par des résultats concrets.

Loin de la définition d’une stratégie globale d’innovation au sein de l’entreprise, l’objectif est ici de définir un cadre et un défi clairs à explorer dans le temps imparti. L’expérimentation portera alors sur l’emploi des méthodes d’intelligence collective pour bénéficier de la complémentarité des profils et arriver à la concrétisation des réflexions. Enfin, une démonstration des résultats fera office de revue finale devant panel ; une façon d’analyser le bilan concret de cette expérimentation, tant sur le fond que sur la forme, mais aussi de valoriser l’approche globale en donnant au plus grand nombre l’envie d’y participer.

Les résultats de cette étude serviront de vitrine à la démarche, permettant de convaincre de son utilité et de sa faisabilité. Sur la base de ce premier retour d’expérience, les décideurs pourront ajuster leur stratégie et étudier l’idée d’une implémentation plus large de la démarche d’innovation.

Car le passage à l’échelle ne devra en aucun cas être négligé, sous peine d’échouer sur la gestion du changement et l’adaptabilité de l’approche. Chez Mews Partners, nous sommes convaincus que toute transformation doit être menée selon une approche itérative. Notre modèle de gestion du changement s’appuie sur 4 grandes valeurs qui sécurisent sa réussite : donner du sens, veiller à la bonne compréhension, éveiller l’envie, donner les moyens, avec au cœur la volonté de mettre les populations impactées dans une démarche d’expérimentation.

Dans cet article nous proposons des solutions Agiles à quatre des freins à l’innovation que nous observons de manière récurrente sur le terrain. En matière de changement culturel, il est primordial d’établir un diagnostic permettant d’identifier et démystifier les craintes propres à son contexte, afin que l’ensemble des parties prenantes (Direction, managers et collaborateurs) éprouvent confiance et motivation vis-à-vis des ambitions proposées. Chaque entreprise (ou équipe projet) trouvera ici de premières clefs, simples à adapter et utiliser, pour instaurer un cadre propice à l’innovation. L’enjeu est de clarifier, crédibiliser et légitimiser sa démarche puis de l’expérimenter avant de l’étendre. Sa structuration à plus grande échelle représentera le dernier et conséquent challenge, que nous aborderons dans le prochain article de cette série.

 

LA SÉRIE « AGILITÉ ET INNOVATION, DU MYTHE À LA RÉALITÉ »

Agile et Innovation, les Amis‑Ennemis (1/3)
Comment franchir le pas et structurer l’innovation Agile ? (3/3)

 

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